Interview Exclusive/JMLP : Tchagnao Arimiyao « Nous devons toujours œuvrer au niveau de chaque entité à renforcer les acquis »
Le monde de la presse a célébré le 3 mai dernier, la journée mondiale de la liberté de presse. Au Togo, la journée a été célébrée différemment par les organisations professionnelles. Comment se porte la liberté de presse et la presse elle-même au Togo? Le journaliste togolais vit-il de son métier? C’est entre autres des questions que nous avons posé au président du Conseil national des Patrons de Presse, El Hadj Tchagnao Arimiyao dans une interview qu’il a accordé à notre rédaction à l’occasion de cette journée. Selon lui, le Togo est « l’un des rares pays au monde où les délits de presse sont dépénalisés ». Le foisonnement des titres, le nombre impressionnant de radios et télévisions et les dizaines de sites internet, sont une preuve suffisante qui matérialise la liberté de presse dans notre pays. En tout cas, « Nous devons toujours œuvrer au niveau de chaque entité à renforcer les acquis », dit-il. De quels acquis s’agit-il ? Lisez plutôt l’intégralité de l’interview…
Bonjour Monsieur le président. Le 3 mai dernier, le monde entier a célébré la Journée mondiale de la liberté de la presse.
Au Togo, cette liberté est-elle selon vous une réalité ?
El-Hadj Arimiyao TCHAGNAO : Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais d’abord m’incliner devant la mémoire de nos confrères journalistes disparus au cours de cette année. Que Dieu les accueille dans sa sainte demeure.
Je voudrais répondre à votre question en disant que la liberté de presse est un parcours, une quête permanente. Au Togo, elle a été instituée dans les années 90 mais le cheminement n’a pas été un fleuve tranquille qui a coulé. Les journalistes et organisations de presse ont dû batailler dur pour que cette liberté soit aujourd’hui une réalité dans notre pays. Ceci ne devrait pas être possible si la Presse togolaise avait buté sur un gouvernement réfractaire à la liberté et au changement.
Aujourd’hui, nous sommes l’un des rares pays au monde où les délits de presse sont dépénalisés. Lorsqu’on scrute le milieu médiatique de notre pays, le foisonnement des titres qui avoisine les 200 pour les journaux, un nombre impressionnant de radios, une dizaine de télévisions et des dizaines de sites internet, tout cela est une preuve suffisante qui matérialise la liberté de presse dans notre pays.
Pour couronner le tout, au cours des 12 derniers mois c’est avec joie que je pus vous affirmer qu’aucun journaliste n’a été ni arrêté, ni violenté moins encore assassiné dans l’exercice de sa fonction. Je tiens ici à rendre hommage à tous les acteurs que ce soit du côté des journalistes ou du côté des autorités pour le travail abattu par chacun afin que la liberté de presse continue de s’enraciner.
Cependant ce tableau reluisant que nous venons de dresser ne voudrait pas dire que tout est rose.
De part et d’autre, nous pensons que du côté des journalistes, de même que des institutions, des efforts doivent être continuellement faits pour éviter des situations malencontreuses aux professionnels des médias.
Après tout, les journalistes, la HAAC, le ministère de la Communication et le gouvernement sont des partenaires et non des adversaires. Nous devons toujours œuvrer au niveau de chaque entité à renforcer les acquis.
Question :
Monsieur le président, nombreux sont ceux qui estiment que le CONAPP est une organisation proche du pouvoir et reste souvent inactive lorsque des journalistes ont des problèmes. Que répondez-vous à ces accusations ? Quel regard portez-vous sur les dernières sanctions de la HAAC infligées à certains organes de presse ?
El-Hadj Arimiyao TCHAGNAO : (Rire).
Sur quels éléments se basent ceux qui nous font ce procès d’intention ?
J’aimerais bien qu’on me dise ce que font les autres qui se présentent comme des saints au sein de la presse. Ceux qui se disent neutres, que font-ils réellement quand certains confrères sont confrontés aux difficultés?
Est-ce seulement rendre public des communiqués ou condamner qui rendent crédibles les démarches d’une organisation de presse?
Croyez-vous que c’est de nature à apporter des solutions à la situation ? Et alors depuis tous ce temps, qu’est-ce que ces communiqués ont changé ?
Au Conseil National des Patrons de Presse, nous ne dormons pas pour autant. Nous avons une méthode de travail. Nous sommes pragmatiques et nous n’embrassons pas des méthodes qui créent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent.
C’est pour cela que vous ne verrez jamais le CONAPP faire des communiqués avant même que les démarches entamées n’aboutissent.
Notre approche qui est une diplomatie du couloir est souvent plus axée sur la recherche de résultats probants que du bruit à l’état pur.
Nous avons toujours été présents aux côtés de nos confrères en difficulté.
Il nous arrive parfois de nous déplacer pour discuter et au besoin de négocier avec des plaignants si tant est que les confrères reconnaissent leur erreurs. Point n’est besoin de nous mettre à énumérer tous les dossiers que nous avons gérés grâce à cette méthode.
Mais dans la dernière situation qui s’est imposée à nos confrères des journaux l’Alternative, Liberté et Fraternité, nous avons pensé travailler en synergie avec d’autres organisations professionnelles que sont le PPT, l’OTM, l’URATEL en vue de trouver une solution à ce différend.
C’est ensemble avec Aimé Ékpé de l’Observatoire Togolais des Médias(OTM) que nous avons mis sur pied une délégation qui a rencontré les premiers responsables de la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la Communication (HAAC).
Grâce à nos échanges, nous avons pu éviter à d’autres titres de subir des sanctions. Je rappelle que la HAAC ne sanctionne pas pour la forme et que ses décisions lui sont édictées par les textes.
Nous ne saurons manquer de partager une fois encore notre compassion avec nos confrères qui ont subi ces sanctions.
Question : Que répondez-vous à ceux qui disent que les associations professionnelles sont divisées?
El-Hadj Arimiyao TCHAGNAO :
Permettez-moi de lever toute équivoque. Il faut établir la différence entre les organisations patronales et les organisations de presses et les syndicats de journalistes. Vous savez, nous sommes du même métier mais nous n’avons pas les mêmes prérogatives et nous ne rassemblons pas les mêmes personnes.
Les promoteurs des organes de presse et les Directeurs des organes sont des Patrons. Ils ont leur propre organisation dont la plus représentative est le CONAPP.
En face vous trouvez des associations de presse qui en passant, peuvent regrouper tout le monde c’est-à-dire des reporters, des photographes, des secrétaires, des caricaturistes etc…
Alors, dans ce schéma, chacun doit savoir son champ d’intervention et son rôle et s’en tenir à cela.
Ajoutons à tout cela, les syndicats au sein desquels, vous ne trouvez que des employés. Les syndicats font face aux patrons pour travailler à l’amélioration des conditions de travail et au mieux-être de tous. Il y a enfin et en dernière position, les branches des organisations internationales regroupant les journalistes ou les médias.
Mais au Togo, tout le monde veut se mettre en avant et parfois on voit des syndicats pendre la place du patronat et des branches des organisations étrangères empiéter sur les prérogatives des associations nationales de la presse et même du patronat.
Quand les gens sortent de leur domaine de compétences pour s’inviter sur des terrains qui ne sont pas les leurs, il est clair qu’il y ait des malentendus.
Il y a des patrons qui sont membres de certaines associations patronales et qui dirigent aussi des associations. Mais parfois ces gens se prennent pour les patrons des patrons. Il y a tous les cas de figure qui se présentent dans notre pays.
Ça devient un peu un fourre-tout, un vrai bazar roumain. Voilà un peu comment on fait le lit de la division entre nous.
Je voudrais bien dire à ceux qui perçoivent ces malentendus qu’il faut que chacun reste dans son champ d’intervention et mieux notre corporation se portera.
Cela fait triste de voir qu’il n’y a que dans la presse que les gens s’attaquent ouvertement entre eux. Fort heureusement, nous nous connaissons et chacun de nous a une histoire. Mais nous y travaillons et espérons que les gens qui se comportent ainsi vont se raviser.
Question : Liberté de presse oui mais les journalistes sont malheureux et l’État maintient l’enveloppe de l’aide à 150 millions.
El-Hadj Arimiyao TCHAGNAO : L’histoire de l’aide de l’État à la presse, que j’aime appeler la subvention de l’Etat, varie d’un pays à un autre.
Au Togo, nous avons notre histoire. Au départ nous étions à zéro franc. De bonnes volontés ont fait les démarches nécessaires et nous avons commencé à percevoir 50 millions de francs CFA.
Non contents, la lutte s’est poursuivie et nous sommes passés à 75 millions. Mais c’est toujours insuffisant et il y a eu des gens pour se battre et nous sommes passés à 100 millions. L’homme étant toujours en quête du meilleur, nous nous sommes engagés dans la lutte par un lobbying de couloir qui a été payant avec enfin la montée de cette assistance à 150 millions.
Pour en arriver là, je rappelle que nous ne sommes pas passés par des communiqués ni par des critiques acerbes à l’endroit des autorités. Nous avons comme nous aimions le faire au CONAPP, été à la rencontre des décideurs notamment au niveau de l’Assemblée nationale, du ministère de l’Economie et des finances.
Pour agir, il faut que nous expliquions notre situation aux décideurs et qu’ils nous comprennent.
C’est justement ce que nous avons fait et c’est cela qui a valu cette sensible augmentation.
Mais relevons en passant que 150 millions ce n’est pas encore satisfaisant. Nous avons demandé 500 millions ou à défaut 300 millions. Nous ne nous décourageons pas puisque nous avons appris à prendre le peu qu’on nous donne et à continuer le plaidoyer et les négociations avec le gouvernement pour arriver à un montant acceptable.
Nous sommes convaincus qu’il nous prêterons une oreille attentive.
Nous n’allons pas non plus dire que rien n’est fait au regard de l’histoire de cette subvention. Ceux qui critiquent cette aide aujourd’hui, ont toujours tendu la main quand c’était à 50 millions, à 75 millions et à 100 millions. Ils n’ont jamais rejeté ce fonds au motif que ce n’était pas suffisant.
Question :Votre mot de fin Président
El-Hadj Arimiyao TCHAGNAO : Je dirai seulement félicitations aux journalistes togolais pour le travail hautement professionnel qu’ils abattent au quotidien.
Félicitations aussi pour la sensibilisation qu’ils mènent sur le Covid-19. Félicitations au gouvernement et surtout au personnel soignant qui rassure à travers le nombre imposant de personnes guéries : un record dans la sous-région. Nous invitons tous les Togolais à continuer à respecter les mesures barrières pour qu’ensemble nous puissions mettre fin à la chaîne de contamination dans notre chère nation.
Je vous remercie.
Les commentaires sont fermés.