Ambition Africa: Edem Tengue « Le Togo ambitionne de devenir un hub logistique pour toute l’Afrique »

Le ministre de l’Économie maritime, de la Pêche et de la Protection côtière du Togo, Edem Kokou Tengue était l’invité vedette de la Ve édition Ambition Africa à Paris-Bercy. En marge de ce rendez-vous de taille, il a livré un entretien exclusif à AfricaPresse. Occasion pour lui de présenter les ambitions du Togo en matière d’économie maritime et aussi, de faire appelle aux entreprises françaises à investir au Togo. Le port de Lomé, la professionnalisation de la pêche au Togo sont entre autres des sujets abordés. Et justement sur ce dernier aspect, Edem TENGUE affirme que: « Ce qu’il nous faut aujourd’hui c’est une pêche chalutière et professionnelle et nous sommes à la recherche de partenaires qui souhaiteraient investir dans ce domaine et – pourquoi pas ? – transformer localement les produits de cette pêche ». Lisez plutôt l’intégralité de l’entretien.

AfricaPresse.Paris (APP) – Avant d’être ministre, vous avez eu un parcours très intéressant et une expérience enrichissante dans le secteur privé. Pouvons-nous commencer par là, en guise de présentation

Edem TENGUE – Économiste de formation, financier, expert-comptable et administrateur public formé à Londres et à Sciences Po Paris, j’ai rejoint le gouvernement en 2020, mais je fus en effet auparavant le directeur général de MAERSK, le géant danois du transport maritime par conteneurs, au Togo

Une grande expérience dans cet important groupe danois, que j’ai rejoint très jeune, à l’âge de 22 ans, dans le cadre de leur Académie qu’ils avaient à l’époque à Copenhague. Puis j’ai exercé des fonctions de directeur financier à Göteborg, en Suède, où mes responsabilités s’étendaient à toute la Scandinavie : Danemark, Suède, Norvège et même Pays Baltes, avant de revenir au Togo comme directeur financier du Groupe, puis directeur commercial et enfin directeur général.

Sur le plan politique, j’ai été élu en 2018 député sous la bannière d’UNIR de ma région, mais j’avais refusé de siéger et cédé la place à mon suppléant pour rester dans les affaires, avant d’être appelé au gouvernement.

APP – C’est votre première participation à Ambition Africa, qu’êtes-vous venu chercher ici ?

Edem TENGUE – Pour cette première venue à Bercy, je suis venu d’abord montrer que le Togo a l’ambition de devenir un hub en observant qu’en matière d’exportations, le port de Lomé est un partenaire pouvant desservir toute la sous-région et en soulignant tout ce qui se fait chez nous dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires et des opportunités d’investissements. Et amorcer, bien sûr, en B2B une première avec les investisseurs français intéressés aux secteurs que le Président Faure Gnassinbgé a bien voulu me confier.

APP – Quel rôle peuvent jouer les entreprises françaises dans votre pays ?

Edem TENGUE – Comme je le dis clairement : la France est un grand partenaire de l’Afrique. Et même un grand partenaire d’avenir. C’est ma conviction. Car il faut bien faire la distinction entre les opinions sérieuses basées sur des faits, des chiffres et le populisme dont les réseaux sociaux nous abreuvent. Cela dit, les entreprises françaises doivent désormais co-construire avec les entreprises naissantes en Afrique un partenariat « gagnant/gagnant ». Comme je l’ai constaté ici, beaucoup de chiffres ont été donnés sur le nombre de filiales françaises en Afrique, mais peu sur les PME africaines ayant un accès au marché français, voire européen, à travers l’événement Ambition Africa. C’est un angle mort qu’il faudra corriger pour les prochaines éditions.

Dans le cadre de la ZLECAF, qui est en train de naître et de se mettre en place, ces groupes français présents en Afrique, devraient pouvoir catalyser tous ces échanges commerciaux inter-africains en prenant par exemple des matières de l’une de leurs filiales, en les transformant et en les retournant dans une autre de leurs filiales d’un autre pays, toujours en Afrique. De façon à ce qu’une grande partie de la valeur ajoutée ainsi créée puisse rester sur le Continent. Je crois que les entreprises françaises sont toujours des partenaires de l’Afrique et ont un rôle à y jouer. À condition bien sûr ,que tous – Africains comme Français – y trouvent leur compte et que ce soit une prospérité économique partagée.

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« Le Togo ambitionne de devenir
un hub logistique pour toute l’Afrique »

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APP – Ministre de l’Économie maritime, qu’avez-vous pu changer depuis trois ans à ce poste stratégique pour le Togo ?

Edem TENGUE – Comme je préfère toujours voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide, je vous dirai – en toute modestie – que nous avons d’abord réussi à replacer le Togo sur la carte maritime mondiale. Depuis mon arrivée à la tête de ce département, le port de Lomé a intégré le classement le plus réputé établi par la Lloyd’s List des 100 premiers ports au monde. Et, pour une économie comme celle du Togo, je crois que c’est une prouesse à côté de géants économiques comme le Nigeria ou le Ghana.

Et nous n’avons cessé depuis de consolider notre place : 98è en 2021, 96è en 2022 et 94è cette année. Ce qui démontre qu’il y a une bonne dynamique et que le port de Lomé est désormais reconnu pour ce qu’il est : un hub de transbordement pour les marchandises à destination de toute l’Afrique. Et ceci en ligne directe avec la politique du chef de l’État qui, dans le Plan national de développement, dit explicitement que « nous voulons faire du Togo un hub logistique », maritime bien sûr, mais aussi aérien.

Edem TENGUE, ministre de l’Économie maritime, de la Pêche et de la Protection côtière du Togo, lors de l’entretien accordé au grand Reporter Bruno Fanucchi. © BF/AM

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APP – Peut-on faire le point précisément sur l’extension en cours du port de Lomé ?

Edem TENGUE – Dans ce but, pour devenir un hub incontournable, nous avons eu à faire en effet l’extension du plus grand terminal à conteneurs,, ce qui prouve bien qu’il y a une réelle dynamique. Et nous avons en perspective plusieurs autres améliorations des infrastructures et de l’espace portuaire lui-même.

Nous avons également inauguré un « port sec » dans le cadre de la zone industrielle d’Adétikopé, afin de rapprocher les services portuaires des industries, mais aussi de mieux desservir l’hinterland. Car il faut savoir qu’une bonne partie des marchandises à destination du Burkina Faso ou du Niger – qui n’ont pas de façade maritime – transitent par le Togo. Nous considérons donc notre port de Lomé comme un outil d’intégration régionale qui est au service de toute la sous-région.

À 27 km seulement de Lomé, nous avons créé ce port sec pour y faire transiter toutes les marchandises à destination de ces pays voisins, afin de libérer de l’espace dans la zone portuaire.
Sur ce plan, je crois qu’il y a donc des avancées notables et des résultats remarquables, avec une augmentation non seulement du trafic, mais du chiffre d’affaires du port. Car vous n’êtes pas sans savoir qu’au Togo plus de 80 % du commerce extérieur passe par le port et que près de la moitié de notre PIB est réalisé dans la zone portuaire qui, pour nous, est vraiment stratégique.

APP – Il y a quelques années, vous avez accueilli à Lomé un Sommet de l’Union africaine sur la sécurité maritime… quid de la Charte dont il fut question ?

Edem TENGUE – Vous avez parfaitement raison. C’était en octobre 2016, la Conférence spéciale des Chefs d’État de l’Union africaine pour adopter une Charte maritime que tous les pays du Continent ayant une façade maritime se devaient de ratifier. Pour que la Charte de Lomé sur la Sécurité maritime et le Développement s’applique enfin, il faut cependant qu’il y ait un certain nombre de pays qui la ratifient en bonne et due forme. Pour l’heure, cette Charte fait encore son petit bonhomme de chemin…

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« Il nous faut professionnaliser
le secteur de la pêche »

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APP – Sur la pêche, qui est votre autre dossier important, quoi de nouveau ?

Edem TENGUE – Dans ce secteur, nous avons bien évolué dans le domaine de la pêche artisanale ainsi que dans l’aquaculture pour pouvoir permettre au pays de couvrir ses besoins en ressources halieutiques, mais il nous faut aller beaucoup plus loin car, aujourd’hui, seulement 5 % à 10 % de ces besoins sont couverts par la production nationale. Ce qu’il nous faut aujourd’hui c’est une pêche chalutière et professionnelle et nous sommes à la recherche de partenaires qui souhaiteraient investir dans ce domaine et – pourquoi pas ? – transformer localement les produits de cette pêche.

Nous avons, en effet, l’idée et l’ambition de faire de la pêche un moteur de la croissance. Car ce secteur, qui représente 4 % de notre PIB et emploie environ 4 000 personnes, est pour l’heure avant tout un secteur social que nous souhaitons vraiment professionnaliser. L’une des actions phares de mon ministère dans les prochaines semaines sera d’ailleurs de tester un dispositif de concentration de poissons car nous estimons que les eaux des pays du Golfe de Guinée n’ont pas les mêmes richesses en termes de ressources halieutiques riches en poissons que les eaux par exemple du Sénégal. Nous avons donc fait appel à l’expertise internationale pour essayer de comprendre ce phénomène et pouvoir le gérer.

APP – Comment professionnaliser ce secteur capital de la pêche ?

Edem TENGUE – Pour professionnaliser ce secteur et mettre en avant l’expertise des pêcheurs togolais, il faut d’abord des outils – c’est-à-dire plus de chalutiers – et une meilleure formation que nous leur délivrons en collaboration avec des pays partenaires. Nous sommes aussi engagés dans la professionnalisation en leur établissant des cartes professionnelles. Toutes ces activités dépendent aussi de la réactivité de nos partenaires. Nous sommes également engagés dans une démarche de qualité et avons discuté avec des experts de l’Union européenne pour que les instructions soient données et que les produits halieutiques togolais puissent avoir accès au marché européen. Ces processus sont pratiquement achevés, mais il faut qu’il y ait davantage de ressources pour que vous puissiez trouver ces produits togolais dans les supermarchés français.

APP – Un dernier mot enfin sur la protection côtière, qui est également dans vos attributions ministérielles…

Edem TENGUE – Je voudrais saluer là encore les progrès notables. Sur 20 km de côtes, les travaux de protection engagés dans le cadre du projet WACA (West Africa Constant Resilience Programme), qui inclut l’ensemble des pays ouest-africains, sont achevés. Ce sont des travaux que nous avons pu faire avec le Bénin voisin puisque c’est une problématique partagée. On peut donc aujourd’hui se targuer qu’une bonne partie de la côte est protégée.

Maintenant, une fois le problème de l’érosion due à l’avancée de la mer réglé, il faut s’occuper de la valorisation de l’espace côtier. Et nous allons nous y attacher pour pouvoir faire émerger un véritable tourisme balnéaire au Togo afin d’en améliorer et augmenter l’attractivité. Notre pays a une belle côte et donc une carte à jouer en ce domaine car le tourisme peut contribuer aussi à la croissance économique. Mais il faut le faire bien sûr en tandem avec mon collègue chargé du Tourisme, et nous sommes donc en train de réfléchir ensemble à un plan ambitieux de tourisme balnéaire.

Source: AfricaPresse.Paris 

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