Face à la polarisation accrue, des violations du droit à la liberté d’expression, les fausses informations, la désinformation, la manipulation de l’information et les discours de haine, plusieurs États du monde ont adopté le 29 octobre au Palais de l’Élysée, la Déclaration de Paris sur l’action multilatérale pour l’intégrité de l’information et les médias indépendants. À travers cette initiative, les États engagés s’unissent à travailler ensemble pour maintenir le cap, et apporter davantage de soutien et de moyens de financement, en tant que de besoin, afin de préserver une information libre et fiable dans le monde entier.
Cette démarche marque une étape majeure dans la lutte contre la désinformation, la manipulation de l’opinion et les discours de haine, qui prolifèrent à travers les réseaux sociaux et fragilisent la paix mondiale.
Les signataires affirment que l’information fiable et indépendante constitue désormais un bien public essentiel à la démocratie, à la stabilité politique et au développement économique et social. Ils s’engagent à renforcer la coopération multilatérale afin de protéger les médias libres et d’encourager la création de mécanismes durables de financement, comme le Fonds international pour les médias d’intérêt public, destiné à soutenir les médias indépendants face aux pressions économiques et politiques.
Dans un contexte de polarisation mondiale accrue, la Déclaration souligne que la diffusion de fausses informations et de discours haineux, notamment sur internet, menace directement les droits humains, la liberté d’expression et la sécurité des nations. Elle reconnaît également que l’essor de l’intelligence artificielle, bien qu’apportant des outils puissants d’analyse et de diffusion, risque d’amplifier les phénomènes de manipulation à grande échelle.
Les États signataires conviennent donc que l’intégrité de l’information est désormais une question de sécurité nationale et collective. Ils s’engagent à renforcer la résilience de leurs sociétés face à la désinformation, à promouvoir un journalisme pluraliste et à travailler en synergie avec les organisations internationales telles que l’ONU, l’UNESCO ou encore la Coalition pour la liberté des médias.
Cette mobilisation mondiale s’inscrit dans la continuité de plusieurs instruments internationaux, dont la Déclaration de Windhoek+30, le Pacte numérique mondial et le Partenariat international pour l’information et la démocratie, tous visant à préserver la fiabilité et la liberté de l’information dans le monde.
Mais si l’Europe et d’autres régions du monde prennent aujourd’hui de telles mesures, c’est bien parce que la situation devient alarmante : les réseaux sociaux, utilisés de manière inconsidérée, se sont transformés en vecteurs puissants de manipulation, de mensonges et de divisions sociales. Et l’Afrique n’est pas épargnée. Le continent, déjà fragilisé par les guerres ethniques, les tensions communautaires et les crises politiques, subit à son tour les effets toxiques de la désinformation en ligne. Les rumeurs, montages vidéo et discours de haine propagés sur les plateformes numériques y attisent les conflits et menacent la cohésion nationale.
Avec ce constat, l’Afrique gagnerait à emboîter le pas à cette initiative mondiale. Les États africains sont invités à renforcer la régulation des contenus numériques, à soutenir les médias crédibles et à s’associer à la dynamique internationale pour protéger l’espace informationnel, devenu un champ de bataille décisif pour la stabilité et la paix.
L’adoption de la Déclaration de Paris marque ainsi une prise de conscience collective : sans information fiable, il n’y a ni démocratie, ni paix durable, ni développement. Les nations présentes à Paris envoient un signal fort : l’heure est venue de défendre ensemble la vérité et la liberté d’informer, face aux dérives d’un monde numérique devenu incontrôlable.
Déclaration de Paris sur l’action multilatérale pour l’intégrité de l’information et les médias indépendants
Reconnaissant qu’une information indépendante et fiable constitue un bien public commun indispensable au progrès économique et social, et une ressource fondamentale des économies et des sociétés du XXIᵉ siècle, et que, sans elle, nous ne serions pas en mesure de traiter les problématiques économiques, sociales et environnementales actuelles les plus urgentes ;
Reconnaissant que la diffusion de la désinformation, de la manipulation de l’information et des discours de haine, notamment sur internet, a des répercussions négatives sur l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et que, comme le relève le Groupe de haut niveau sur les médias d’intérêt public, les menaces qui pèsent sur l’accès à une information fiable compromettent la prospérité économique internationale ;
Affirmant qu’un journalisme indépendant, digne de confiance et pluraliste est le premier rempart contre la désinformation et la manipulation de l’information ;
Soulignant que les médias libres et indépendants jouent un rôle central dans la transmission d’une information fiable, que la crise financière qui touche les médias indépendants a entraîné une dégradation de l’intégrité de l’information, et qu’un soutien public est nécessaire à la préservation d’une information fiable ;
Considérant qu’une information fiable et factuelle est d’autant plus essentielle compte tenu, d’une part, du rôle déterminant des plateformes numériques et des réseaux sociaux mondiaux dans l’écosystème d’information actuel et, d’autre part, des technologies émergentes comme l’intelligence artificielle générative, et que, si l’utilisation de l’intelligence artificielle peut constituer un outil précieux, elle risque par ailleurs d’accroître la diffusion de la désinformation ;
Reconnaissant que l’espace mondial de l’information et de la communication est un bien commun de l’humanité, qu’une dégradation de l’intégrité de l’information dans une région du monde a des répercussions sur tous, et que traiter les menaces qui pèsent sur notre écosystème d’information nécessite une action nationale et internationale ainsi qu’une coopération multipartite ;
Rappelant notre attachement aux droits de l’homme et aux principes internationaux sur l’intégrité de l’information, notamment les principes mondiaux des Nations Unies pour l’intégrité de l’information, le Pacte numérique mondial, la Déclaration de Windhoek + 30, la Déclaration mondiale sur l’intégrité de l’information en ligne et le Partenariat international pour l’information et la démocratie ;
Réaffirmant que les problématiques interconnectées ne peuvent être traitées qu’au moyen d’un multilatéralisme redynamisé, en reconnaissant le rôle central des institutions et initiatives multilatérales pour soutenir l’intégrité de l’information, comme le Partenariat international pour l’information et la démocratie, l’ONU, l’UNESCO, la Coalition pour la liberté des médias et la Coalition pour la liberté en ligne, et saluant, entre autres initiatives, la création du Fonds international pour les médias d’intérêt public, en tant qu’outil multilatéral conçu pour financer la mise à disposition d’une information fiable et indépendante à grande échelle, en s’inspirant de mécanismes similaires visant à soutenir la prestation efficace de biens publics mondiaux essentiels ;
Nous nous engageons à :
1. défendre le principe selon lequel une information indépendante, pluraliste et fiable constitue un bien public essentiel à l’humanité, et à faire respecter les principes démocratiques au sein de l’espace mondial de l’information, tels que définis dans le Partenariat international pour l’information et la démocratie ;
2. reconnaître l’information fiable comme un bien public mondial qui exige un soutien public durable, et à accroître la mise à disposition de ce bien public et à protéger le journalisme indépendant grâce à une action multilatérale, tout en encourageant des modèles économiques innovants et durables pour la production et la distribution d’une information fiable ;
3. reconnaître que les menaces qui pèsent sur l’intégrité de l’information, notamment la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère, relèvent de la sécurité nationale et collective, et à investir dans la résilience des sociétés, les médias indépendants et la résilience des systèmes d’information, dans le cadre d’efforts plus larges visant à protéger nos nations ;
4. renforcer la coopération multilatérale et multipartite en tant que moyen indispensable et efficace pour préserver l’intégrité de l’information et les médias indépendants à l’échelle mondiale, et à consolider l’action collective par le biais d’une coalition d’États attachés à des valeurs communes et du soutien aux médias indépendants ;
5. encourager le développement du Fonds international pour les médias d’intérêt public, un mécanisme multilatéral dédié à la protection et à l’appui des médias libres et indépendants dans le monde, afin de répondre à l’ampleur des difficultés auxquelles le journalisme indépendant est confronté et de contrer les investissements dans la manipulation de l’information ;
6. encourager des synergies et une coordination renforcées entre les institutions et les initiatives multilatérales, intergouvernementales et multipartites qui travaillent sur l’intégrité de l’information, en renforçant leur efficacité et en remédiant à la fragmentation des efforts ;
7. faire de l’intégrité de l’information un sujet transversal, en reconnaissant que l’accès à une information fiable constitue une condition pour atteindre des objectifs stratégiques plus larges, notamment concernant la protection sociale, l’égalité entre les femmes et les hommes, le règlement des crises et des conflits, la réduction des inégalités, le renforcement des normes démocratiques, la sécurité nationale, la promotion de la transparence, la dénonciation des flux financiers illicites et la lutte contre la corruption, et la réponse aux effets du changement climatique ;
8. travailler en collaboration avec la société civile, les médias, le milieu universitaire et l’ensemble de l’écosystème pour développer et mettre en œuvre des solutions existantes et innovantes visant à soutenir l’intégrité de l’information et à protéger les médias indépendants dans le cadre des enceintes multilatérales et multipartites pertinentes, notamment le Forum sur l’Information et la Démocratie.
Les États soussignés ont souscrit à la présente Déclaration :
Albanie · Arménie · Australie · Autriche · Brésil¹ · Bulgarie · Chili · Croatie · Danemark · Estonie · France · Ghana · Grèce · Islande · Lettonie · Lituanie · Luxembourg · Malte · Moldavie · Pays-Bas · Pologne² · Portugal · Roumanie · Sierra Leone · Espagne · Suisse · Ukraine · Royaume-Uni · Uruguay

